Qui danse mal accuse le sol d’être humide. Nous trouvons toujours le moyen de tenir les autres responsables de nos échecs. Les Camerounais ont trouvé leur bouc-émissaire, la source de tous leurs malheurs, l’excellent paravent qui leur permet de masquer leur pusillanimité.
L’opposition camerounaise est jetée en pâture, accusée d’être imbécile et incapable, affamée et assoiffée. Les camerounais comme on l’a souvent vu avec le football, sont prompts à la critique et se précipitent à désavouer ceux qui les ont souvent mené vers de superbes victoires.
On ne peut observer ce qui est en train de se produire sur la scène politique, sans se souvenir du triste, malheureux et honteux épisode de barbarie et d’ingratitude dont a été victime Pierre Womé : Excellent défenseur de l’équipe du Cameroun, sa maison avait été brulée pour avoir raté un penalty.
Pour ceux qui traitent l’opposition d’imbécile et incapable, il leur serait utile de faire un tour sur la route du souvenir et, de se rafraîchir la mémoire des batailles que ces gens ont menés et gagnés.
Aujourd’hui, au nom du multipartisme et dans le cadre des élections présidentielles, nous appelons les leaders de l’opposition des imbéciles et des incapables. Pourtant, si en 1990 la loi sur le multipartisme a été promulguée au Cameroun, ce ne fut pas par le bon vouloir de Paul Biya, mais par les durs combats menés par ses soi-disant imbéciles et ses incapables.
Il y’a plus de 20ans, quand la plupart des votants de cette élection de 2011 étaient encore des moins de 10ans, les opposants que nous appelons imbéciles et incapables, risquaient leur vie pour que nous ayons le multipartisme, ils affrontaient le parti unique (UDC) pour que nous ayons droit à des élections présidentielles libres et indépendantes.
En 1990, pendant que le RDPC imposait le libéralisme communautaire, c’est encore ces opposants, qui proposaient la conférence nationale souveraine, afin que nous puissions chacun et tous ensemble, définir notre projet de société et rompre définitivement avec l’ère coloniale.
Pour obtenir satisfaction à leurs revendications, il y’a eu les villes mortes, il y’a eu des morts et il y’a eu la déclaration de « zéro mort » par Augustin Kontchou Kouomegni. Il y’a eu la création des « commandements militaires opérationnels », ces commandos qui avaient pour missions de mater la contestation. Cependant, ces opposants que nous appelons imbéciles et incapables, n’ont pas cessé de militer pour que les camerounais de demain, aient un meilleur système politique et électorale.
Pour arrêter les villes mortes, il y’a eu la conférence de la tripartite, conférence au cours de laquelle, le président Paul Biya, promit de tenir une autre conférence où il y’aurait un grand débat sur la constitution. Cette promesse ne fut pas tenue, mais au contraire, ce sont des élections présidentielles anticipés qui ont été annoncés pour le 11 octobre 1992, alors que le mandat du président s’achevait en avril 1993.
Cette anticipation des élections présidentielles, avait un seul but : empêcher l’opposition de s’organiser. Tout comme cette année, il leur a été accordé 10jours ouvrables pour dérouler leur plan de campagne.
En 1997, les leaders de l’opposition ont boycotté les élections présidentielles, parce que n’ayant pas obtenu la création d’une commission électorale indépendante. Paul Biya, sans le moindre scrupule, s’est présenté contre lui-même, et a remporté les élections avec 92,5% des suffrages exprimés.
Trois ans après son élection, sous le harcèlement de leaders de l’opposition, Paul Biya crée l’ONEL. Alors que l’ONEL est supposé être une commission indépendante, Paul Biya impose que les 11 membres qui la constituent, soient exclusivement nommés par lui et par décret présidentiel. C’est encore ces opposants, que nous appelons aujourd’hui par tous les diminutifs, qui sont montés sur le créneau et ont dénoncé la supercherie.
En 2008, lorsque Paul Biya a soumis à l’Assemblée nationale son projet de loi sur la modification de la constitution, c’est encore ces opposants qui sont descendus dans la rue pour protester contre le tripatouillage de notre constitution et le « hold-up » que s’apprêtait à faire le président.
On peut ne pas partager beaucoup des choix qui ont été fait par l’opposition au courant de cette période électorale et même au fil des années, mais dire qu’ils sont des imbéciles et des incapables, c’est ignorer le contexte dans lequel nous évoluons et oublier d’où nous venons politiquement.
S’il y’a eu des avancés sur la scène politique dans notre pays, ce n’est pas par le bon vouloir du parti au pouvoir, mais par la force d’opposition des leaders de l’opposition. Quel qu’en soit le cas, nous leur devons bien plus que cette tirade sur leur incompétence. Si nous ne pouvons par leur dire une eulogie, nous pouvons au moins leur offrir une épitaphe meilleure que « imbécile et incapable ».
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