vendredi 22 janvier 2010

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1 La Croissance Economique au Cameroun

Dans un récent entretien paru dans Jeune Afrique, Louis Paul Motaze le ministre de l’économie et de l’aménagement du territoire, s’est montré confiant et optimiste sur l’avenir du Cameroun.

Seulement, l’optimisme ne fait pas la réalité : les populations veulent bien croire à la croissance et aux grandes ambitions, mais avant, elles veulent voir l’argent ou savoir d’où sa viendra.

Comme le sait, deux voies peuvent conduire à la croissance : la croissance par réinvestissement des gains d’efficacité et la croissance par de nouveaux investissements. On peut croitre par efficacité en amélioration la gestion de nos ressources actuelles et faisant des partenariats stratégiques ; On peut également générer la croissance en réinvestissant des excédents budgétaires ou en attirant des investisseurs étrangers.

Mais, dans un système où l’Etat représente environ 70% des activités économiques formelles et où plus de 80% des transactions commerciales se font dans l’informel : la croissance on veut bien y croire, mais on a du mal à imaginer d’où elle viendra.

Essayons de comprendre pourquoi aucune des voies de croissance ne peut être envisagée dans le contexte actuel.

Améliorer son efficience, consiste à utiliser le minimum de ressources possibles pour atteindre un objectif donné. Or, les postes les plus importants du budget de l’Etat sont le personnel et les dépenses d’administrations courantes. Ceux sont ces mêmes dépenses, qui sont à l’origine de l’essentiel de la demande dans notre pays et par ricochet, des recettes fiscales de l’Etat. Dans ce contexte, une tentative d’amélioration du rendement de l’Etat, aurait pour conséquence la cannibalisation de la demande.

Si par contre, il décide d’utiliser les gains dégagé de son efficacité pour relancer la demande dans d’autres secteurs, il ne s’agira de rien d’autre qu’une réallocation des ressources vers les secteurs à forte utilité marginale. Toutes choses égales, il n’aura fait que soustraire à X pour ajouter à Y : par conséquent, la demande resterait inchangée.

Plus encore, la croissance par efficacité est limitée, car on n’atteint très vite son maximum. Donc, s’il arrivait qu’il puisse croitre en réalisant des gains de rendements, ces derniers ne sont pas soutenables et ne peuvent pas soutenir la croissance. En ces périodes pré-électorales, implémenter une telle stratégie de croissance serait un suicide politique.

Pour ce qui est de la croissance par des nouveaux investissements, elle nécessite des moyens pour la financer. Ces moyens de financement peuvent être : Des emprunts, des excédents budgétaires, ou des investissements étrangers et privés.

Les membres du gouvernement nous ont récemment assuré que le Cameroun n’a pas d’excédents budgétaires. Pour entreprendre des investissements, l’Etat devra soit emprunter, soit inciter le secteur privé et les investisseurs étrangers à invertir au Cameroun. Seulement en ces périodes pré-électorales, le risque pour les investisseurs étrangers et nationaux est énorme ; beaucoup préférerons attendre. Cette source de financement, ne pourra donc pas être utilisée par le gouvernement avant 2012 au mieux.

La seule option à la disposition du gouvernement, c’est de solliciter un emprunt ; ce qu’il compte faire en émettant 200 milliards d’obligations. Toutefois, cet argent sera utilisé pour financer des projets de construction d’infrastructures comme l’a dit Motaze :
On assistera au démarrage de plusieurs grands travaux d’infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, énergétiques et à la relance des produits de rente, dont le cacao et la banane d’exportation. Nous essaierons aussi de relancer les cultures vivrières comme le riz, le maïs, les tubercules
Mais quand on sait qu’en 2009, l’Etat a investi 800 milliards dans les infrastructures et que nous n’avons rien vu, rien ressenti, on se demande comment avec 200 milliards - quatre fois moins- il pourra accomplir tous les projets mentionnés par le ministre Motaze.

De plus, c’est bien d’emprunter, mais comment va-t-on repayer cette dette ? Les projets d’infrastructure en eux-mêmes, ne généreront pas directement des cash flow entrant pour l’Etat : il faudra encore convaincre les investisseurs que le Cameroun a désormais des infrastructures adéquates et favorables aux investissements, que la corruption est atténuée, que les lenteurs administratives ont été corrigées et que notre environnement politique est stable…etc.

Sachant que 80% des activités commerciales se font dans l’informel, sur la majeure partie des transactions commerciales qui seront générées par ces investissements, l’Etat sera incapable de collecter la taxe. En investissant dans ces conditions, l’Etat a plus de chances de détruire de la richesse que d’en créer.

La croissance telle qu’envisage, a très peu de chance d’être maintenue ; elle ne repose pas sur les fondamentaux de la croissance que sont : L’innovation et l’avancement technologique. Des concepts que le gouvernement ne saurait embrasser aussi bien que le secteur privé. Si nous voulons parler de croissance, nous devons commencer par répondre aux questions suivantes : Faut-il plus ou moins d’Etat au Cameroun ? Comment sortir de l’ombre les artisans de l’informel ?

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1 commentaire:

Martial Daz a dit…

Bonne analyse mon frère.. Mais la conclusion méritait d'être renforcée par une proposition claire. Merci bien, bonne réflexion, continuons à penser pour le pays.

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